Janvier 2012. L’Inde. Mon premier voyage en Asie.
Vous pensez peut-être que j’aurais pu choisir un pays plus simple pour commencer l’exploration de ce continent. Mais les circonstances étaient ainsi. Une amie m’avait proposé de l'y rejoindre et de nous organiser un voyage à travers le nord du pays, et j'avais dit oui sans hésiter.
A vingt-cinq ans, j'avais un peu visité la France, quelques capitales européennes et le Canada. L'Inde, colorée et mystérieuse, c'était l'aventure, la vraie !
Une demande de visa et quelques vidéos sur youtube pour m'accoutumer à la circulation locale, et voilà, j’étais prête à partir.
Plusieurs défis m’attendaient ensuite : un vol Bruxelles-Delhi, un métro de l’aéroport jusqu’à la gare, un train de nuit vers Ajmer, et un tuk-tuk à l’aube vers Pushkar, où séjournait mon amie. Quoi de mieux pour sauter à pieds joints dans la culture indienne !
Heureusement, je suis arrivée sans encombre - mais non sans stress - à destination. Et une semaine dans la ville paisible et quasi piétonne de Pushkar m’ont permis de me remettre de mes émotions. J'y découvrais les mœurs indiennes et les « Hello Miss, how are you ? Where are you from ? ».
Mon amie et moi avons ensuite passé deux semaines à explorer le Rajasthan et l’Uttar Pradesh. Du désert de Jaisalmer au Taj Mahal, en passant par les cénotaphes d’Orccha et le Camel festival de Bikaner, l’Inde m’a conquise petit à petit.
Mais c’est en marchant sur les ghats de Varanasi que je tombais définitivement amoureuse de ce pays !
Varanasi est une ville sainte sur le Gange, aussi célèbre pour les Indiens que le Vatican ou Jérusalem pour les occidentaux. Nombreux souhaitent y être incinérés après leur mort. Nombreux espèrent y mourir pour clôturer leur cycle de réincarnation.
Une ville triste et lugubre, donc? Non. Nous sommes en Inde et Varanasi est donc pleine de vie.
Cette ville, où les vivants côtoient les morts d'une façon si naturelle, choque et fascine en même temps. C'est l'Inde à l'état pur.
Dans la section plus moderne de la ville, motos et tuk-tuks se mêlent aux ânes et aux piétons dans un joyeux chaos organisé, pendant que vaches sacrées et chèvres habillées se régalent de déchets et de quelques brins d'herbes.
Plus loin, dans les ruelles de la vieille ville, les pèlerins font la file pour acheter des offrandes et les écolières en uniforme côtoient les processions funéraires.
Ces ruelles aboutissent sur les ghats, des escaliers menant au Gange. C'est là que l'Inde et ses contrastes s'exposent encore plus aux visiteurs ébahis. S'y côtoient touristes, pèlerins en quête de spiritualité, lépreux espérant une aumône, yogis, prêtres, enfants qui jouent, et marchants de ballons. Le tout sous le regard placide et blasé des buffles qui se reposent sur les marches.
D'ailleurs, on trouve de tout sur ces marches. Elles servent aussi bien à faire sécher les bouses de vaches que les vêtements fraîchement lavés. Le bois utilisé pour les crémations y est entreposé, tandis que les déchets rejetés par le Gange lors des crues s'accumulent au bas des escaliers (à la grande joie des chèvres en t-shirt).
Le Gange, lui-même, offre un spectacle de tous les instants. Les pèlerins y pratiquent leurs ablutions pendant que les riverains y nettoient buffles et vêtements.
Des bateliers proposent aux touristes de les déposer sur la rive d'en face, pour pouvoir y contempler les ghats de plus loin. Une fois là, regardez bien où vous marchez car vous y trouverez peut-être, comme nous, des ossements rejetés par le Gange. Et dire que quelques minutes avant, nous nous étions assises par terre à profiter de la vue et du soleil...
Il ne faut pas oublier en effet qu'une fois les crémations terminées, les restes des défunts sont dispersés dans le fleuve. Et tant pis si le corps n'a pas complètement brûlé. Les corps des prêtres, des nouveau-nés, des femmes enceintes et des lépreux sont quant à eux jetés tels quels dans le fleuve, sans crémation préalable.
Comment pèlerins et riverains sortent-ils du Gange sans tomber malades par après?!
Nous avons pu observer ces crémations depuis le bateau. Elles ont lieu plusieurs fois par jour, sur des portions de ghats qui leur sont dédiées. Une jambe qui dépasse du bûcher? C'est normal. Âmes sensibles s'abstenir, donc.
Et pendant notre séjour à Varanasi, partout, sur les ghats et les toits plats, des adultes et des enfants qui jouaient au cerf-volant. Car nous étions arrivées en plein "Kite Festival".
Nous comptions les cerfs-volants par dizaines dans le ciel. Des cerfs-volants tout simples, constitués d'un morceau de papier carré et coloré, monté sur un croisillon de bois, et tenu par un seul fil. Un fil qui leur permettait de monter très haut. Un fil coupant, car le but était de sectionner le fil d'un maximum de cerfs-volants à l'aide de son propre fil.
Il fallait bien qu'en Inde, ce jeu d'enfant prenne une tournure plus excitante.
Mais sachez que faire voler ces frêles engins n'a rien de simple. Nous avons tenté l'expérience en en achetant un, mais il a fallu ensuite que de sympathiques Indiens viennent à notre secours pour qu'il arrive à quitter le sol.